terça-feira, 18 de junho de 2013

Minha entrevista ao jornal Libération

Abaixo, uma breve entrevista minha, que acaba de sair no Libération, a respeito das manifestações de ontem. Amanhã, esta mesma entrevista estará no jornal Le Soir, de Bruxelas:

«Lula, lui, savait parler le langage de la rue»
Le sociologue Rudá Ricci analyse la baisse de confiance des Brésiliens en leur présidente, Dilma Rousseff :

Recueilli par C.R. (à são Paulo)
Le sociologue brésilien Rudá Ricci, spécialiste des mouvements sociaux, décrypte la mobilisation populaire qui s’est emparée de plusieurs villes du Brésil il y a plus d’une semaine.
Que révèlent ces manifestations ?
Une insatisfaction latente. L’euphorie des années Lula est passée. Les Brésiliens craignent de perdre leurs acquis. La situation économique se détériore. L’inflation est en hausse. La création d’emplois reste solide, mais le rythme de la progression des salaires s’essouffle. La confiance dans le gouvernement fédéral commence à s’éroder. La popularité de Dilma Rousseff [la dauphine de Lula, qui lui a succédé à la présidence en 2011, ndlr] reste élevée mais, pour la première fois, elle est en recul.
Dans un tel contexte, il aurait fallu un leader charismatique comme Lula. Or, ce n’est pas le cas de Dilma. Elle appartient à une génération du Parti des travailleurs [PT, formation de Lula]formée de technocrates.
Est-ce réellement un mouvement contre le gouvernement de Dilma Rousseff ?
Il pourrait le devenir s’il arrive à surfer sur les craintes des Brésiliens et à s’unir à d’autres luttes sociales comme celle des Indiens, qui accusent le gouvernement fédéral de nier leurs droits territoriaux. Il y aurait alors une insatisfaction généralisée à même de peser sur la présidentielle l’an prochain.
Si la mobilisation persiste, Lula sera mis sous pression pour insinuer qu’il pourrait être candidat [alors qu’il a déjà lancé Dilma Rousseff pour briguer un second mandat]. Car ce nouveau PT de technocrates qu’il a aidé à forger n’a pas grand-chose à dire dans les moments de crise. Il ressemble trop à son rival du PSDB. Les revendications populaires le dérangent. Il ne comprend pas la dynamique de la rue. Lula, lui, savait parler le langage de la rue.
Qui sont ces jeunes qui manifestent ?
Pas forcément des électeurs de Lula et Dilma. Beaucoup sont des étudiants pauvres qui n’appartiennent ni aux syndicats ni aux partis. Même si l’extrême gauche, comme le Parti du socialisme et de la liberté, une dissidence du PT, est représentée parmi eux. Les manifestants accusent le PT d’avoir trahi ses idéaux pour garantir le profit des entreprises. Mais ils visent tous les gouvernants. Leurs revendications sont variées : gratuité des transports en commun, amélioration de l’éducation. Ils dénoncent aussi le coût du Mondial de 2014.
Est-ce la renaissance de la mobilisation populaire, après dix ans d’apathie, depuis l’arrivée du PT au pouvoir ?
Il y a longtemps en effet qu’on n’avait pas vu ça. D’où l’importance de ce mouvement. Reste à savoir quelle est sa réelle vigueur. Pour l’instant, il semble devoir davantage à la répression policière, qui a attisé la mobilisation, qu’à ses idées.
Vous pensez que Lula a démobilisé le Brésil ?
L’ex-président a récupéré la plupart des associations et des syndicats en leur offrant financements et postes publics. Il a aussi jeté aux orties l’idéal de la gauche brésilienne, qui consistait non seulement à élire ses dirigeants, mais aussi à gouverner avec eux. De là l’expérience du fameux budget participatif mis en place par le PT dans les années 90, à la mairie de Porto Alegre. Or, une fois au pouvoir, Lula a réduit cet idéal au droit à faire trois repas par jour et à consommer. Il a rabaissé le débat. Il n’y a d’ailleurs plus de débat d’idées depuis que le PT est à la tête du Brésil. Ni Lula ni Dilma ne se sont attaqués par exemple à la question du racisme ou de l’avortement [qui reste interdit]. Ils ont renoncé au rôle pédagogique qu’on attend de la gauche, se contentant de concilier des intérêts.

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